Les animaux dans l’Antiquité : place, espace et circulation

vendredi 9 mars 2012

le 9 mars 2012
10h30 - 12h30
Lieu(x) :
Site René Descartes - 15 parvis René Descartes Salle F 01

Ces deux dernières décennies ont vu un intérêt constant et croissant des sciences humaines et des sciences dures pour la recherche concernant les rapports entre hommes et animaux et plus spécifiquement la question animalière dans l’Antiquité. Mais l’interrogation fondamentale, de la circulation géographique, physique et matérielle des animaux d’une part et son corollaire, la transmission, d’autre part, du discours, du savoir et des données issues du trafic des animaux exotiques ou non, mérite une place particulière. Si cette question de la circulation des animaux a soulevé l’intérêt de la communauté scientifique, force est de constater que non seulement la période historique de l’Antiquité n’a été abordée que partiellement, mais encore, la question même de la circulation et de la transmission n’a pas été placée au cœur de la réflexion sur les animaux. C’est précisément cette question de la circulation, de la transmission et de la dynamique qui en résulte que nous souhaiterions traiter dans cette journée d’étude du Laboratoire Junior en Sciences de l’Antiquité de l’ENS de Lyon, CiTra, pour éclairer la question de l’animal dans l’antiquité sous un axe différent, complémentaire et novateur.

Argumentaire de la séance. (PDF - 92 Ko)

Avec les interventions de :

10 h 30 : N. Lamare, "Dans la gueule du lion. Étude iconographique des bouches de fontaine"
Les bouches de fontaines étaient dans l’Antiquité très souvent figurées. Parmi les motifs choisis pour l’ornement de ces déversoirs, les têtes d’animaux étaient les plus fréquents, et les têtes de lion majoritaires. La symbolique du lion a déjà fait l’objet de plusieurs études qui ont tenté de retracer l’origine du motif en analysant images et vestiges d’Orient, d’Égypte et de Grèce. Motif apotropaïque, image liée au rite nuptial, symbole de fécondité… Les interprétations sont nombreuses mais vont rarement au-delà de l’époque grecque classique. Or, nous disposons de nombreux exemples de bouches figurées jusqu’à l’époque romaine impériale.
Nous essaierons de reprendre ici les différentes analyses proposées dans l’étude des lions-fontaines puis, à partir d’exemples romains et parallèlement à une étude plus vaste sur les fontaines monumentales, nous tenterons de comprendre comment a évolué la signification de ce motif au cours des premiers siècle de notre ère.

11 h 00 : C. Chandezon, "Le boeuf à bosse sur les monnaies d’Asie mineure"
Le bœuf à bosse c’est comme cela que numismate et archéologue appellent en fait le zébu est encore un animal exotique du temps d’Aristote. Il a pourtant alors atteint les marges du monde grec, puisqu’il est attesté en Syrie. Son foyer de domestication (la vallée de l’Indus) est le point de départ de son expansion. Au IIIe millénaire av. J.-C., il apparaît par exemple dans la documentation harappéenne.
C’est au IIIe s. av. J.-C. qu’il devient familier aux Grecs d’Asie Mineure, dans la basse vallée du Méandre. Les témoignages littéraires ne sont d’aucune aide pour qui veut faire l’histoire de son expansion en Anatolie. Quelques bas-reliefs, comme la célèbre "apothéose d’Homère" nous le montrent, de même que des mosaïques tardives. En fait, ce sont surtout les monnaies des cités d’Asie Mineure qui témoignent de sa diffusion dans cette région, et cela depuis la haute époque hellénistique jusqu’à l’époque sévérienne . Le bœuf à bosse apparaît à côté de l’autel de Pergame, sur des scènes de labour de fondation de colonies romaines ou encore dans le rôle du taureau qui enlève Europe. La numismatique permet d’aborder l’histoire de cet animal et de montrer comment il s’est intégré à la faune domestique des Grecs au point de faire presque complètement disparaître le bœuf européen du système de représentation.

11 h 30 : C. Vendries, "Un animal aux marges de l’Empire : les Romains et le rhinocéros"
Capturé en Afrique ou plus rarement en Inde, le rhinocéros, animal des marges de l’Empire, fit de rares apparitions à Rome lors des montres d’animaux ou lors des jeux de l’amphithéâtre. Aussi est-il peu représenté dans l’iconographie car il est assez mal connu des Anciens qui le décrivent toujours selon les mêmes stéréotypes littéraires (son combat avec l’éléphant et la fascination pour la corne). La découverte en Gaule de plusieurs petits bronzes au rhinocéros offre l’occasion de s’interroger sur les sources des artistes et sur la connaissance exacte du rhinocéros qui ne fut jamais montré en dehors de Rome. Les approximations parfois criantes dans le rendu de l’anatomie posent la question de la ressemblance dans l’art animalier et celle des vecteurs de diffusion de l’image de cet animal peu banal dont on trouve des traces dans l’iconographie jusqu’au IV e s. ap. J.-C.

12 h 00 : J. Trinquier, "L’échelle des êtres et ses contestations"
Platon, dans le Timée, et Aristote, dans son corpus biologique, proposent une conception hiérarchisée du vivant, où les espèces s’ordonnent selon un degré de perfection croissante ou décroissante et qui culmine avec l’homme. Cette hiérarchie du vivant est indissociablement une hiérarchie des corps et des âmes, les deux étant corrélés selon des modalités diverses. Les degrés supérieurs de la hiérarchie ne laissent cependant pas de faire difficulté, dans la mesure où certaines espèces, et non des moindres, semblent échapper à cette nécessaire corrélation des dispositions psychiques et du dispositif corporel. Nous nous intéresserons aux problèmes que posent dans cette perspective des animaux aussi différents que le dauphin et l’éléphant d’une part, et de l’autre les singes. Au dauphin et à l’éléphant, on reconnaissait dans l’Antiquité des capacités cognitives éminentes, mais logées dans un corps fort éloigné de celui de l’homme, voire presque monstrueux. Le singe représente le cas de figure inverse : un corps qui se rapproche de façon troublante de celui de l’homme, mais des dispositions psychiques perçues comme fort éloignées de celles de l’homme. Nous étudierons comment on a rendu raison de ces contradictions, soit en cherchant à les résoudre, soit en les utilisant pour contester l’excellence de la forme humaine.