Axes de recherche

L’équipe a choisi de retenir trois grandes orientations propices à l’exploration de la problématique générale, qui s’articule autour des acteurs de l’espace urbain et de leurs stratégies.

Territoires urbains

La première est celle des territoires, qui renvoie au regain d’intérêt que connaissent chez les médiévistes les problèmes spatiaux dans l’analyse des structures sociales, suivant un spatial turn déjà opéré par d’autres sciences sociales. Ce "tournant" consiste à considérer l’espace non plus seulement comme un cadre, mais comme une production sociale, autrement dit comme un objet. La ville apparaît en cela comme un champ d’expérimentation des plus féconds, remettant en cause sa définition traditionnelle fondée sur une lecture étroite du critère juridictionnel (une autorité s’exerçant à l’intérieur de l’enceinte), pour laisser place à un enchevêtrement - parfois sur un mode conflictuel - de différents espaces politiques, juridiques et sociaux. Le cas des villes musulmanes, où aucune définition juridique ne vient qualifier le fait urbain, est un exemple extrême de l’insuffisance de ce critère. De façon plus mesurée, la question des flux migratoires ou celle des établissements religieux soulignent tout autant la présence de "corps étrangers" au sein de l’organisme urbain que le champ d’attraction de ce dernier.

Réseaux

L’analyse spatiale peut contribuer, conjointement à d’autres approches, à la mise en évidence de réseaux qui font l’objet du deuxième volet. Leur étude permet d’identifier des liens dont la fonction structurante ne s’incarne pas nécessairement dans des groupes ou institutions précis, mais plutôt dans le jeu qui s’établit entre eux (quand par exemple un certain nombre d’individus partagent à la fois des intérêts économiques, une appartenance à une même confrérie…). Ce fonctionnement réticulaire, à la fois interne et externe à la ville, correspond à un modèle qui a l’avantage considérable d’associer une vision spatiale de la ville à son fondement social, en d’autres termes à ce qui la produit. Il met en valeur le rôle des villes comme points nodaux dans un tissu de relations. L’étude de la mobilité et des stratégies d’implantation dominicaines montre que si la présence mendiante est incontestablement une présence urbaine, les déplacements des frères tracent des schémas plus complexes que la simple concentration qu’on leur a longtemps prêtée. On pourrait aboutir aux mêmes conclusions en ce qui concerne l’intégration des villes aux Etats modernes en gestation : l’exemple de la fiscalité rappelle que si les techniques urbaines sont généralement très en avance sur les mécanismes des souverains, ceux-ci ont su se servir des villes comme de relais en utilisant au mieux les capacités de ces dernières, quitte à faire passer des impôts royaux pour des impôts urbains. Ces relations témoignent en outre d’une utilisation individuelle ou collective du cadre défini par la ville, en fonction de stratégies qui ne sont pas forcément conformes aux normes ou aux idéaux proclamés par les différentes autorités urbaines. L’étude des réseaux paraît ainsi véritablement au coeur d’une histoire sociale des phénomènes urbains.

Identités

Dernier axe de recherche, celui des identités : qu’elles soient sociales, juridiques, politiques ou religieuses, elles sont un élément décisif dans les stratégies des acteurs de la vie urbaine, et contribuent activement, à l’articulation entre réalités et représentations, à définir les réalités de la ville. Les identités jouent en effet à la fois en amont, comme base des comportements, et en aval, se modelant elles-mêmes sur la pratique. Même lorsqu’elles sont façonnées par un tiers, y compris comme un repoussoir - ainsi les normes établies par les statuts des communes italiennes concernant la présence des étrangers -, elles en disent long, à la fois sur la perception communale des forestieri et sur l’identité civique elle-même.