Mouvances, qu’est-ce que c’est ?

Mouvances est un laboratoire junior créé à l’ENS de Lyon en 2017, il réunit des maserant.es et doctorant.es en sciences humaines et sciences sociales qui cherchent à étudier les phénomènes migratoires contemporains et passés. Dans le courant des deux années d’existence allouées au laboratoire, outre l’organisation de tables rondes, d’une journée d’étude et d’une exposition sur lesquels vous trouverez plus d’informations dans les différentes rubriques du site, nous aimerions travailler à l’élaboration d’un Dictionnaire situé des migrations. L’étude lexicologique est en effet l’épine dorsale de nos recherches et donne à nos travaux souvent retranchés dans des domaines précis, une véritable cohérence d’ensemble.

Un questionnement lexicologique

Au cours de la dernière décennie, le traitement de l’actualité mondiale en Europe a particulièrement mis en avant les questions migratoires. Dans ce contexte, une analyse critique et dépassionnée d’un sujet qui mobilise des acteurs nombreux et impliqués dans des domaines divers nous semble nécessaire. Nous proposons une étude dont la visée principale est de rationaliser l’appréhension de la « crise des réfugiés » en nous appuyant sur différents types de productions textuelles, orales et visuelles en analysant la manière dont les divers.es acteur/trices juridiques, médiatiques, associatifs et culturels utilisent des systèmes de mots reposant sur les mêmes signifiants mais ne recouvrant pas de façon uniforme les mêmes signifiés.

Nous partons d’un constat, celui selon lequel : « Les perspectives constructionnistes nous ont familiarisés avec l’idée que les catégories de représentation et d’action sur la société sont loin d’être immanentes et qu’elles font l’objet d’un travail d’élaboration souvent conflictuel où les capacités d’intervention sont inégalement réparties entre catégorisant et catégorisés » (Martiniello et Simon, 2005). De ce constat découle un certain nombre d’interrogations : qui peut catégoriser ? dans quel but ? dans quel champ (juridique, associatif, politique, médiatique…) ? à quelle époque ? Nous souhaitons en effet élargir notre étude afin de ne pas la restreindre à celle des seuls « réfugié.es » actuel.les.

Nos travaux, d’abord lexicologiques, permettront de faire ressortir dans une approche tridimensionnelle (temporelle, spatiale, et sociale) ce qui, dans les représentations des migrations, révèle des structures sociales fortes et conduit certaines catégorisations à dominer les individus (« immigré.e ») tandis que d’autres sont créatrices de pouvoir (« expatrié.e »). Si nombre de catégorisé.es apparaissent comme dominé.es, nous devrons aussi prêter attention aux stratégies qu’ils/elles développent afin de s’approprier les mots, par exemple en revalorisant les catégories auxquelles ils/elles sont associé.es. Notons par ailleurs que les jeux de catégorisation ne se limitent pas au pays d’accueil : tout au long de leur trajet, les migrant.es sont confronté.es à une surenchère de mots en lien avec leur expérience migratoire à laquelle ils/elles sont contraint.es de s’adapter.

Nous postulons que le mot n’est pas indépendant de la parole qui le porte et lui confère une visée particulière, que c’est dans le langage que le mot agit en tant que tel. De même que la jurisprudence donne son orientation pratique à un texte de loi, la parole en général, est le lieu de traduction en acte de la catégorisation par les mots. Ainsi nous nous intéresserons tout particulièrement aux stratégies de communication des acteurs et à leur choix de mettre en avant certaines émotions, ce qui nous permettra par exemple d’expliquer l’évolution de certains mots qui – selon les périodes – ont pu prendre une valeur tantôt méliorative, tantôt péjorative. Ce qui nous intéresse, plus qu’une simple répartition des termes entre différents champs, c’est d’étudier la porosité entre ces champs : comment une catégorie créée à l’intérieur du champ juridique peut-elle être reprise et transformée en passant dans le champ médiatique ? Quels rapports de pouvoir et d’influence illustre le passage de mots entre différents champs ? D’autre part, comment les mots circulent-ils dans l’histoire et, à l’heure de la mondialisation, comment certaines catégories traversent-elles les espaces pour tendre à une internationalisation ? Pouvons-nous établir un lien entre une intensification constante des mouvements humains sur l’ensemble de la planète depuis le XIXème siècle et l’émergence de représentations partagées par les individus à une échelle si ce n’est globale, au moins de plus en plus large ? Quelles inégalités géopolitiques ces processus de diffusion révèlent-ils et quels conflits suscitent-t-ils ?

Informations de contact

Pour nous contacter, merci de vous adresser à mouvances@ens-lyon.fr, de vous référer à la rubrique "membres du labo" ou de passer par Facebook.