Séance 2 : André Hirt : "La marionnette et le papillon. (H.v. Kleist / T. Mann)

Séance du vendredi 21 octobre 2016, 11h-13h, salle F116

André Hirt est un philosophe français, professeur en Classes Préparatoires au lycée Faidherbe de Lille où il enseigne la philosophie.

Il est l’auteur, depuis une vingtaine d’années, de nombreux essais consacrés à des écrivains comme Baudelaire, qui occupe une place à part dans sa bibliographie, Robert Musil ou plus récemment H.v. Kleist :

Baudelaire, l’exposition de la poésie, Kimé, 1998 ;
Il faut être absolument lyrique, une constellation de Baudelaire, Kimé, 2000 ;
Musil, le feu et l’extase : Contribution à une vie exacte, Kimé, 2003 ;
Baudelaire, le monde va finir, Kimé, 2010 ;
La Grâce désaccordée, Kimé, 2014 ;

Mélomane, la musique représente un second fer de lance dans ses essais, qu’elle soit abordée dans son interaction avec la littérature et les arts ou bien pour elle-même, à travers l’étude philosophique de certaines formes, pratiques ou interprétations célèbres :

L’idiot musical : Glenn Gould, contrepoint et existence, Kimé, 2006 ;
Le Lied, la langue et l’histoire (Hugo Wolf), Éditions de La Nuit, 2008 ;
Staccato. Existences, musiques, philosophie, Kimé, 2016 ;

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Ce qui a été n’est plus possible. Ce qui a disparu existe peut-être encore. Mais rien ne nous est plus accordé.
Dans des temps plus anciens, l’existence pouvait se soutenir, par la croyance et la prière, par la simple attente ou par la présence du mystère, d’un espoir en une grâce. Celle-ci pouvait être concédée, malgré l’ignorance dans laquelle on se trouvait de la décision divine et de son libre vouloir, ou méritée par le travail de la vertu. Rien de tout cela, de cette sanction de l’existence, de son évaluation propre, ne constitue plus le plan ou la perspective par rapport auxquels les hommes perçoivent le sens de leur vie.
Ce n’est pas qu’il n’y ait plus « la grâce », nous n’en savons strictement rien, c’est que l’idée elle-même s’est évanouie au pire dans la superstition, au mieux dans ce qui reste, chez certains, de croyance. Les créatures et le monde se sont désormais repliés sur eux-mêmes, ils ne sont plus portés, ou enveloppés dans un orbe qui en définitive sublimerait ce monde déchu. La grâce, en somme, est désormais désaccordée. Il reste à savoir si elle est capable d’infléchir son sens originellement théologique, et si, devenue au mieux douloureusement profane, elle possède une chance de nous délivrer envers et contre tout un bonheur, celui vers lequel tend l’œuvre paradoxale de Kleist, et une « vraie vie » comme l’a désiré Proust.
(La Grâce désaccordée)